Dimanche de Pâques A
Mt 28, 1-10
Le jour de Pâques est et reste un grand jour pour tous les chrétiens du monde. Même si cette année nous ne pouvons pas nous rassembler à l’église, qu’importe ! Le ressuscité nous rejoint où nous sommes. Pâques est un grand jour parce que le Christ vient nous libérer de quelque chose qui, bien souvent, nous empêche de vivre pleinement, et nous enlève notre bonheur. Cette chose, vous l’aurez devinée, c’est la peur. Elles sont nombreuses, nos peurs : peur de perdre notre emploi ; peur de tomber dans le manque, peur d’un avenir incertain, peur de ne pas trouver l’amour, peur de la souffrance, et cette nouvelle peur qui s’ajoute à liste – peur d’attraper le coronavirus – ; et pour couronner le tout, peur de la mort. Toutes ces peurs nous maintiennent captifs dans une espèce de tombe.
Mais remarquez qu’aujourd’hui le tombeau de Jésus est ouvert. La pierre qui bouchait son entrée est roulée sur le côté par l’ange, après un tremblement de terre qui renverse les gardes apeurés. Les femmes, Marie Madeleine et marie la mère de Jacques, ces êtres passionnés du Christ étaient là très tôt pour venir voir leur ami afin de lui témoigner pour la dernière fois l’amour qu’elles lui portent. Avant de leur annoncer la grande nouvelle de la résurrection, l’ange leur dit : « Vous, soyez sans crainte ». Ce sont les premiers mots que nous recevons ce matin de Pâques. Ils sont tellement importants que le Ressuscité lui-même qui vient à la rencontre de ces braves dames les répétera pour les rassurer : « Soyez sans crainte » Rien ici-bas ne doit nous effrayer ; rien n’a le pouvoir de venir altérer notre paix intérieure, car le Christ est en nous avec toute la puissance de sa grâce, et la très Sainte Vierge Marie nous soutient.
Le Christ ressuscité ne vient pas à notre rencontre les mains vides. Ses bras sont chargés de cadeaux pour nous. Aujourd’hui, je n’en citerai que trois :
Le 1er cadeau qu’il nous offre ce matin, c’est la nouveauté. Les premiers mots de l’Évangile de ce jour, à savoir « le premier jour de la semaine » font écho au jour qui inaugure la première création dans le livre de la Genèse ; sauf qu’ici, il s’agit d’une nouvelle semaine qui ouvre une nouvelle création. Et dans ma vie, qu’est-ce qui doit être recréé ? Qu’est-ce qui est à renouveler ? Qu’est-ce qui attend d’être retapé pour que je devienne une création nouvelle avec mon Seigneur ? L’épisode violent du coronavirus nous permet de redécouvrir avec un regard neuf l’importance des gestes les plus banals de la vie de tous les jours, d’en apprécier la beauté et la valeur inestimables maintenant qu’ils nous sont interdits : se rassembler le dimanche, faire notre barbecue par une belle après-midi ensoleillée avec ses amis, se faire la bise, étreindre nos proches, aller faire nos courses en famille. Tout cela nous manque. Mon souhait est que, lorsque le chapitre covid sera loin derrière nous, notre vie soit une nouvelle « création », celle où nous allons vivre à fond chaque petit instant de bonheur que la vie dans sa simplicité va nous offrir. « Ne laissons pas passer en vain cette occasion », nous a rappelé le Pape.
Le 2e cadeau du ressuscité c’est la Joie. Aujourd’hui c’est un jour de joie. On peut ici se poser pas mal de questions au regard de l’actualité : peut-on vraiment être dans la joie lorsqu’on ne sait plus compter les morts victimes du coronavirus ? Peut-on être dans la joie lorsqu’à la question pourquoi Seigneur, pourquoi maintenant, pourquoi nous, on n’a pour toute réponse que le silence du ciel ? Peut-on être dans la joie, lorsqu’on a perdu sa voix et toute l’énergie pour pleurer ? Mais enfin, de quelle joie parle-t-on ? Eh oui ! On parle bien de la joie du ressuscité qui nous fait signe que la mort n’a plus le dernier mot. La séparation entre la vie et la mort a été roulée comme la pierre. Si la peur de la mort n’a plus sa raison d’être puisque Christ l’a vaincue, pourquoi serions-nous encore tristes ? Jésus compte sur toi, sur moi, sur nous tous pour que la bonne nouvelle de la joie soit annoncée malgré tout.
Le 3e cadeau, enfin, c’est cet extraordinaire pouvoir de ressusciter et de redonner la vie le Ressuscité nous confère. Raoul Follereau racontait cette histoire inspirante : « Une léproserie. Au sens le plus navrant, le plus odieux du terme… Des hommes qui ne font rien, auquel on ne fait rien et qui tournent en rond dans leur cour, dans leur cage… Des hommes seuls. Pis : abandonnés. Pour qui tout est déjà silence et nuit.
L’un d’eux pourtant, un seul, a gardé les yeux clairs. Il sait sourire, et lorsqu’on lui offre quelque chose, dire merci. L’un d’eux, un seul, est demeuré un homme.
La religieuse voulu connaître la cause de ce miracle. Ce qui le retenait à la vie… Elle le surveilla. Et elle vit que chaque jour, par-dessus le mur si haut, si dur, un visage apparaissait. Un petit bout de visage de femme, gros comme le poing, et qui souriait. L’homme était là, attendant de recevoir ce sourire, le pain de sa force et de son espoir… Il souriait à son tour et le visage disparaissait. Alors il recommençait son attente jusqu’au lendemain.
Lorsque la missionnaire l’interrogea : « C’est ma femme, dit-il simplement. Avant que je vienne ici, elle m’a soigné en cachette. Avec tout ce qu’elle a pu trouver. Un féticheur lui avait fourni une pommade. Elle m’en enduisait chaque jour la figure… sauf un petit coin. Juste assez pour y poser ses lèvres. Mais ce fut en vain. Alors, on m’a ramassé. Mais elle m’a suivi. Et lorsque chaque jour je la vois qui me sourit, je sais par elle que je suis vivant et je dis : Merci ! »
Ça, c’est l’extraordinaire pouvoir de l’amour qui ressuscite et redonne vie au propre comme au figuré. Si notre regard, notre sourire, nos gestes peuvent tuer, enfermer, ils ont aussi, fort heureusement, cet extraordinaire pouvoir de ressusciter et de redonner la vie.
Bonne fête de Pâques