5e Dimanche de carême A
Ez 37,12-14 ; Rm 8,8-11 ; Jn 11,1-45
Puisque les temps que nous connaissons actuellement ne nous permettent pas de nous réunir dans la maison de Dieu, c’est le Seigneur lui-même qui s’invite chez nous. C’est comme s’il nous disait : « Je sais que vous ne pouvez pas sortir de chez vous, confinement oblige. Alors, c’est moi qui viens à vous ; c’est moi qui viens vous rejoindre dans votre confinement. Vous commencez à beaucoup me manquer, poursuit le Christ, et je sais que moi aussi, je vous manque ». Je peux véritablement me permettre de prêter ce genre de paroles à Jésus, lui que saint Jean dépeint depuis le 2e dimanche de carême comme un homme tendre, sensible, aimant, jamais indifférent à ce qui nous arrive.
Souvenez-vous de la samaritaine, pas fière d’elle, dégoûtée de la vie qu’elle menait, Jésus lui fait le cadeau de la joie, du bonheur. Pensez à l’aveugle de naissance. Il n’a rien demandé, mais Jésus lui ouvre les yeux lui faisant ainsi le plus beau cadeau qui soit : la vue avec en prime, la foi. Et aujourd’hui, notre maître, plus que jamais se montre vraiment humain, très proche de nous. Jésus a eu des amis, nous dit saint Jean à travers cette simple phrase « Jésus aimait Marthe, et sa sœur, ainsi que Lazare ». Il était si heureux de se rendre à Béthanie pour y retrouver ses amis.
Or il se trouve que Lazare est tombé malade. Les deux sœurs s’appuyant sur l’affection que Jésus porte à leur frère lui envoient dire : « Seigneur, celui que tu aimes est malade ». Une simple parole extrêmement délicate qui ne réclame rien, mais dit toute la confiance que ces femmes ont dans le Christ leur ami. N’est-ce pas un modèle de prière dont nous pourrions nous inspirer ? Dire simplement à Jésus comment nous allons, comment vont celles et ceux que nous aimons et qu’il aime. Dans notre confinement, nous ne sommes pas vraiment seuls, le Christ est là avec nous il ne demande qu’à nous écouter et à nous parler. Ce n’est vraiment plus le temps qui pourrait faire défaut. Nous en avons beaucoup maintenant.
Mais remarquons que le Christ ne répond pas tout de suite à la demande des deux sœurs. « Cette maladie, dit-il à ses disciples, est pour la gloire de Dieu ». Surprenant, n’est-ce pas ! Et lorsqu’il décidera de se rendre à Béthanie, dont le nom signifie en hébreu « la maison du pauvre », trop tard, l’irréparable est déjà là.
Marthe qui va à la rencontre de Jésus sanglote, les Juifs qui l’accompagnent sanglotent aussi. Jésus ne peut pas se retenir, il pleure ; il est bouleversé. Voilà qui est notre Dieu ? Il est un Dieu qui pleure sur nos pleurs ; il est un Dieu qui aime avec ses entrailles, avec sa sensibilité. Il n’est pas un dur de cœur, loin de là. Et les Juifs qui le voient pleurer n’ont qu’un mot : « Voyez comme il l’aimait ». Comme le disait Guy de Maupassant, « on finirait par devenir fou ou par mourir si l’on ne pouvait pas pleurer ». Heureusement que des larmes sortent de nos yeux pour faire sortir de nous notre douleur. Voilà encore un trait de l’humanité de notre Seigneur : on ne peut pas pleurer devant le Christ sans qu’il ne pleure avec nous. Il est un vrai ami. Il se réjouit avec nous, il est aussi capable de pleurer avec nous.
Mais la compassion de Jésus ne saurait s’arrêter là. Maintenant, il doit agir. Après les pleurs, les actes. Ne nous arrêtons pas sur la souffrance même si elle brise nos vies. Une fois au tombeau, Jésus lance aux hommes qui étaient là : « Enlevez la pierre ». Une odeur pestilentielle jaillit du tombeau. Sous cette effluve, Jésus en profite pour appeler à la foi ceux qui l’entourent « Père, père, montre-leur, montre à cette foule qui est là que tu m’as envoyé, et que la vie n’est pas absurde ». Et sans attendre de réponse, Jésus s’écrie : « Lazare, dehors, sors du tombeau ». Et la momie sortit du tombeau, bien vivante. C’est extraordinaire ! Ce geste suscite la foi de l’assistance. Ceux qui étaient là crurent en lui. C’est cela la gloire de Dieu : que tous nous puissions croire en lui, croire qu’il est le Fils de Dieu.
Je le disais au début de cette méditation, Jésus vient nous rejoindre dans notre Béthanie, c’est-à-dire dans notre maison où il va voir toute notre « pauvreté » intérieure ; il est notre ami, il veut s’y sentir accueilli, il veut s’y sentir bien. S’il vient chez nous, c’est pour nous aider, nous secourir (ce qui renvoie d’ailleurs au nom de Lazare qui signifie en hébreu « Dieu secourt » ou « Dieu aide »). Mais il vient aussi nous libérer de nos tombeaux. Quels sont-ils ? Identifions-les. Ouvrons-lui notre cœur. Cet Évangile nous apprend quelque chose de simple : pleurons, s’il le faut, le Christ et sa mère s’empresseront de pleurer avec nous ; mais eux, ne se contentent pas de pleurer. Ils vont aussi très vite chercher à cicatriser nos peines en nous libérant de ce qui nous rend tristes pour que la vie triomphe toujours.
Amen
Patrick