4e Dimanche de Pâques
1P 2,20b-25 ; Jn 10,1-10
« Le Seigneur est mon berger, rien ne saurait me manquer », ce sont les premières paroles du Psaume d’aujourd’hui. Je voudrais que chacun de nous se les approprie, et tente d’en mesurer la portée. Si le Seigneur est mon berger, je suis sûr d’avoir tout ce qu’il me faut pour être heureux, pour avancer. Pour un berger du temps de Jésus, le troupeau représente tout ce qu’il a de plus précieux ; c’est sa richesse, son trésor. Il prend soin de ses petites brebis avec sollicitude, et les défend lorsqu’elles sont en danger. Le berger s’occupe de tous les besoins des brebis au point que rien, absolument rien ne pourrait leur manquer. Le troupeau sait qu’il peut se fier à son pasteur, compter sur lui en toutes circonstances, lui faire confiance… Le troupeau du Seigneur aujourd’hui, c’est nous. Ceci n’est qu’une image, bien sûr, pour que nous comprenions combien nous sommes précieux aux yeux du Seigneur. Si nous pensons être loin de la bergerie, loin du bercail, n’hésitons pas un seul instant à revenir à la maison. Si nous nous sommes trompés de berger, hâtons-nous de revenir vers notre pasteur. Il est là qui nous attend. Et c’est pour notre plus grand bien qu’il souhaite que nous soyons avec lui.
Dans l’Évangile, s’adressant aux pharisiens qui s’en sont violemment pris à l’aveugle de naissance qu’il avait guéri (Jn 9), Jésus reprend l’image du berger qui prend soin de ses brebis. Il établit la différence entre le voleur ou le faux berger et le vrai berger. C’est leur manière d’entrer dans le parc à brebis qui les distingue. Le premier escalade la clôture tandis que l’autre, le vrai Pasteur, entre par la porte. Celle-ci lui est ouverte par le portier. La preuve qu’il est le vrai Pasteur est qu’il connaît ses brebis et il appelle chacune par son nom.
Les psychologues le disent, le nom ou le prénom de quelqu’un est pour lui le son le plus attirant de toutes les langues. Si quelqu’un que vous pensez ne pas connaître vous salue avec enthousiasme par votre prénom, vous êtes agréablement surpris et vous vous sentez très honoré. Vous pouvez même instinctivement lui offrir un sourire. Saluer quelqu’un ou s’adresser à lui par son nom ou son prénom lui fait sentir son importance. Le bon pasteur entretient donc une relation personnelle avec chacune de ses brebis que nous sommes. Il te dit : « Pierre, Michel, Marie… tu as du prix à mes yeux et je t’aime ». Lui, il nous aime comme pas possible ; et nous avons tout à gagner à lui faire confiance.
Mais à la fin de cette première parabole, s’étant aperçu que ses interlocuteurs, c’est-à-dire les pharisiens, n’ont rien compris, Jésus ajoute à l’image du pasteur celle de la porte. « Moi, dit-il, je suis la porte des brebis ». L’image est très frappante et riche. La porte permet l’accès à un endroit. Jésus se présente comme le passage, la porte qui donne accès au salut. Le seul berger que l’on doit suivre pour être sauvé, pour avoir la vie en abondance, c’est le Christ. Mais ce n’est pas tout. On le sait, la porte est aussi symbole de liberté. Quand on a le goût de la liberté, il n’y a qu’un seul berger que l’on doit suivre ; et ce berger, c’est le Christ. Car lui seul protège et défend la liberté humaine, liberté de pensée, liberté de conscience, liberté de choix, liberté d’être soi.
Il y a une petite subtilité qui m’a toujours frappé dans ce texte. Remarquez que si le berger est rentré dans cette bergerie où passent la nuit plusieurs brebis appartenant à différents bergers, c’est pour appeler ses brebis à lui ; mais les appeler à quoi ? Les appeler à sortir. Il ne s’agit pas de rester bien au chaud, dans son confort si l’on veut profiter du pâturage des montagnes. Il s’agit de sortir. Comme l’a indiqué le Pape François, nous sommes appelés à être des chrétiens en sortie, « une Église qui sort en permanence, une communauté qui sait prendre l’initiative d’aller à la rencontre, de chercher ceux qui sont loin et d’arriver aux carrefours des routes pour inviter les exclus » (Evangelii Gaudium (la joie de l’Évangile) 24). » Mais une fois dehors, nous ne serons pas seuls parce que le Pasteur lui-même prendra la tête du peloton.
Et nous n’avons pas besoin d’attendre que le « déconfinement » soit complet pour nous mettre au travail. On peut être des chrétiens en sortie, tout en restant confinés chez nous, à l’aide de notre téléphone, par exemple. On peut l’être pour sa propre famille, au sein de sa propre maison.
Il y a quelque chose d’extraordinaire dans ce que nous sommes en train de vivre en ce moment. Alors qu’on avait l’habitude de caractériser notre société comme un monde individualiste, où chacun était enfermé sur lui-même, il se trouve que dans la solitude et l’isolement « imposés » par cette pandémie, de nouvelles formes de proximité – j’ai presqu’envie de dire, de portes de proximité – sont en train d’être inventées. Profitons-en. Mais profitons aussi du grand silence qui règne en ce moment dans nos villes et villages pour apprendre à écouter vraiment, à nous écouter entre nous, mais surtout à écouter la voix du berger qui nous parle par la bouche des hommes et des femmes d’aujourd’hui, par la voix de la nature, mais également à travers les événements de notre vie.