3è dimanche de carême
Ex 17, 3-7 ; Rm 5, 1-2.5-8 ; Jn 4, 5-42
Aujourd’hui la parole de Dieu met sous nos yeux une réalité humaine ordinaire : la soif. Les hébreux sortis d’Égypte récriminent contre Moïse et contre Dieu parce qu’ils ont soif. Ils vont jusqu’à accuser l’envoyé de Dieu de les avoir fait sortir du pays de Pharaon pour les faire mourir de faim et de soif au désert. Notre vie à nous aussi ressemble parfois à une traversée du désert. Quand tout va mal, nous nous révoltons contre Dieu. Heureusement pour nous, cette révolte est déjà une prière que Dieu écoute ; il nous fait comprendre qu’il n’a jamais cessé de nous aimer, et il n’est jamais indifférent lorsque nous n’en pouvons plus.
Dans l’Évangile, c’est Jésus qui a soif. Il est bien fatigué, harassé par une longue marche sous le soleil de midi… Il a faim et il a soif. N’en pouvant plus, il est assis par terre, le dos appuyé à la margelle du puits. Mais il n’a rien pour puiser l’eau. C’est alors qu’arrive une femme portant sa cruche. Elle aussi a soif. Mais sa soif à elle, comme celle de Jésus d’ailleurs, se situe à un autre niveau. Jésus découvre les souffrances et les blessures de cette femme dont la vie est loin d’être droite. Il prend l’initiative d’engager une conversation avec elle : « Donne-moi à boire » lui dit-il. Ce qui est beau et très admirable dans la manière de faire de Jésus c’est que tout homme quel qu’il soit, et quoi qu’il ait fait mérite estime et dialogue. C’est ce qui est extraordinaire dans notre religion, notre Seigneur ne juge jamais personne.
La conversation est partie. La Samaritaine lui répond : « Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » « Si tu savais le don de Dieu et celui qui te demande à boire, lui répond Jésus, c’est toi qui lui aurais demandé et il t’aurait donné de l’eau vive » La Samaritaine ne comprend pas très bien les propos de cet homme un peu particulier. Au fond, il voulait lui faire comprendre que son quotidien assumé sans goût n’est pas capable d’étancher sa soif de bonheur qui habite son cœur. Et Jésus d’ajouter que son eau à lui est capable d’étancher totalement la « soif » humaine. « Qui boit de mon eau n’aura plus soif » lui assure-t-il.
Alors là, la Samaritaine n’a plus une minute à perdre : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’aie plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser », autrement dit que j’en finisse avec cette vie quotidienne.
La conversation s’emballe et commence à devenir très intéressante. Jésus en profite pour mettre le doigt sur des choses de la vie personnelle que son interlocutrice aurait préféré cacher : « Va, appelle ton mari, et reviens » Ici sa vie va se dévoiler car des maris, elle en a eu cinq, et celui qu’elle a maintenant n’est pas le sien non plus. Bouleversée, elle réalise que cet inconnu n’est pas un homme ordinaire. Il est un prophète. Elle en profite, pour lui poser deux questions :
La 1ère : Où faut-il adorer Dieu ? Sur cette montagne-là, ou à Jérusalem ? Réponse du Christ : Dieu est à portée de d’esprit et de cœur. Ce n’est pas le lieu qui compte. On peut l’adorer n’importe où. Ce qui est plus important, c’est la manière de le faire : il faut l’adorer en esprit et en vérité. Ton cœur est trop grand, trop précieux pour te contenter des bonheurs partiels et si passagers. Dieu seul, si tu l’adores en esprit et en vérité, peut remplir le besoin d’infini, assouvir les soifs profondes qui sont en toi.
2e question : je sais qu’il vient le Messie, celui qu’on appelle Christ. La réponse ne tarde pas à arriver : « Moi qui te pale, je le suis ». C’est alors qu’elle court annoncer à tout le village qu’elle a rencontré le Messie. « Il m’a dit toute la vérité sur ma vie, et a renouvelé mon être ».
On comprend alors en quoi consistait la soif de Jésus. En disant à cette femme donne-moi à boire, Jésus lui exprimait de façon imagée sa soif de la sauver, celle de la sortir de cette vie insipide, fade dans laquelle elle s’était enlisée sans jamais trouver de bonheur. On se souvient de cette avant dernière parole de Jésus sur la croix, dans l’Évangile de Jean, « j’ai soif » ; si le Christ a soif de nous sauver, il a aussi soif de notre affection, de notre amour, il a soif de nous voir revenir à lui. Nous ressemblons parfois à cette Samaritaine. Elle n’aimait plus vraiment son quotidien, comme nous, certains jours, nous ne supportons plus le rythme de nos journées. Elle en avait probablement marre de sa cruche, comme nous certains jours, on en a marre d’assumer le même travail, d’accomplir les mêmes tâches, de faire les mêmes gestes. Sur le plan affectif, on découvre que c’était une malheureuse à la vie bien triste et éprouvante, comme nous aussi certains jours nous sommes de petits malheureux.
Nous sommes invités à venir au puits profond de notre propre cœur et à nous asseoir près de Jésus qui nous y attend pour refaire notre relation avec lui en esprit et en vérité. Nous ne pouvons plus nous réunir dans un temple fait des pierres pour les raisons que nous savons. Et si nous faisions de cette mesure de santé publique une belle occasion de faire des rencontres de qualité avec le Seigneur qui a soif d’habiter notre cœur ? Si nous profitions de ces quelques jours où le rythme de nos journées se sera peut-être ralenti pour développer cette intimité avec notre Seigneur ? Donnons-lui notre cruche c’est-à-dire notre vie quotidienne faite parfois de tristesse, de déception, de peur, d’incertitude pour qu’il la remplisse de joie, de confiance, de bonheur et de sa grâce.
Patrick Kipasa M.