Le 9 juillet fut un jour comme les autres, le chef-climatique d'en haut avait servi le vent et la pluie en entrée, le beau soleil réchauffant le plat de résistance, au dessert un moka littéraire.
Si Notger incarne les fondations de notre cité ardente en structurant pour l'éternité les bases d'un régime équilibré entre les pouvoirs temporel et spirituel, c'est un certain Lambert Lombard qui complétera et achèvera son œuvre en faisant la renommée de sa ville ardente grâce à ses dons d'artiste, de philosophe, peintre averti, remarquable architecte, humaniste, historien, grand homme de Lettres, et j'en passe. Il n'est pas excessif de voir en lui notre Leonard de Vinci. Artiste? Ne vous y trompez pas. Il n'était pas le seul et reconnaissons qu'artisans du bois, du fer, de verre, de la pierre ont acquis leurs lettres de noblesse et ont complété le tableau de la cité mosane. Oui, Notger et Lambert Lombard ont été le fil rouge de notre pèlerinage du beau en ce jour mémorable. Il n'est sans doute pas inutile de préciser ici que le terme "ardent", fait plus allusion au feu qui rôtit les braves Franchimontois qu'à aucun trait de caractère.
D'emblée, la beauté majestueuse de cette place Saint-Lambert vous prend en témoin de ce qui va suivre et ce grand saint, assassiné dans ses prières, semble ne pas s'être fait oublier : ne se serait-il pas discrètement vengé alors qu'il a jeté un mauvais sort aux pauvres plantes grimpantes aux pieds des colonnes de sa demeure? Qui va savoir?
Ville, qui abrite siècles et styles dans une harmonie déconcertante, comment ne pas succomber à ses charmes devant le perron : la Violette (hôtel de Ville), les façades séculaires, où grouille une population déambulante ou assise aux terrasses - nous n'arrivons plus qu'à suivre difficilement notre guide qui nous enivre d'anecdotes tantôt sérieuses, tantôt croustillantes. Venelles courbées, où il est impossible de pendre son linge, ni à une pondérance de plus de 120 kilos de passer sans déchirer sa chemise et son pantalon.
Mais le temps presse, sauf nos pas, tant il y a à voir et nous voilà bientôt au musée d'Armes, qui fait la renommée de la ville. Ce bâtiment où logea Napoléon deux nuits et qui était la propriété de Monsieur LEMILLE, parrain de Madame Jean Derriks, née Thérèse (Thésa) FRAIKIN. Monsieur Lemille donna ce lieu à la ville de Liège. Le musée Curtius, dont le constructeur semble avoir été à l'abri de la mendicité, rime avec Crésus. Ses jardins sont rénovés. Deux immeubles dans la même rue et qui étaient propriété de la prénommée, la mère de Pierre Derriks, ont été rachetés pour l’extension du musée. Le rez-de chaussée du musée d'Ansembourg offre à notre vue ses meubles, stucs, lustres, lambris d’une insolente beauté.
Enfin du répit et nous respirons sur une jolie place. Par une modeste porte, nous entrons dans l'imposante église de Saint Barthélemy, protecteur du quartier. Une charmante dame nous livre tous les secrets du carillon - nous apprenons ainsi que le grand facteur et spécialiste de cet instrument est un Malinois du nom de Van de Ghein. - merci à elle.
On ne présente plus l'oeuvre magistrale de Renier de Huy, les fonts baptismaux, cette extraordinaire cuve en laiton (alliage cuivre et zinc), qui repose sur 12 bœufs et illustre le baptême du Christ par Saint-Jean Baptiste, et date des XIième-XIIième siècle. On y baptise encore aujourd'hui de jeunes enfants et des catéchumènes - il faut savoir que ladite cuve a été épargnée par les révolutionnaires liégeois (fin XVIIIième siècle) car "sans intérêt" à l'époque.
D'un extrême à l'autre, on découvre des impasses, historiquement peut-être réservées aux pauvres mais d'un charme fou, mini-maisons, blotties entre ces immeubles aristocratiques, aujourd'hui très recherchées et occupées par des étudiants et artistes.
La rue qui suit ne manque pas d'originalité, ni dans son exécution, ni dans l'imagination du Roi Guillaume, qui dans les années 1820 trouva LA solution pour protéger ses vaillants soldats de maladies vénériennes. Il créa tout simplement cette rue de 375 escaliers appelée la Montagne de Bueren bordée de maisons et qui menaient les soldats en ville, pour éviter les quartiers à femmes de petite vertu. La découverte du mini-béguinage du Saint-Esprit est une surprise agréable où règnent le silence et la sérénité.
Nous apprenons ainsi que l'origine des béguines est bien ici à Liège, et non ailleurs comme on a coutume de le croire.
Sus à la nourriture spirituelle. Il est temps de penser à autre chose, et à défaut d'un beau soleil, qui nous aurait baigné dans la cour intérieure du Couvent des Mineurs, nous nous régalons d'un repas liégeois. Après une heure, c'est la porte de sortie pour d'autres aventures.
En un clin d'œil, on enchaîne les places et nous voilà à Saint-Etienne, puis église Saint-Denis, un des plus anciens bâtiments religieux de Liège : sa tour carrée, flanquée d'une flèche, les orgues, mais passage obligatoire au retable de Saint-Denis, tout récemment restauré par l'Institut pour la restauration du Patrimoine artistique (IRPA) - chef-d'oeuvre de toute beauté, relatant en six panneaux la passion du Christ et cinq en prédelle la vie du premier évêque de Paris, ce dernier représenté en céphalophorie;
Vaillamment et encouragés par le beau soleil, enfin retrouvé, c'est le tour à la plus ancienne galerie couverte belge, puis au Vinâve d'Ile. Mais qu'a-t-on fait de la Vierge de Delcourt?
Cela commence à devenir lourd. Droit vers la Cathédrale : voûte céleste, chaire de Vérité - je n'oserais pas y monter, tant elle est somptueuse!
Puis le trésor. Le temps file, Notre guide de circonstance a la faconde rapide, le verbe haut, difficile à suivre. La visite est malheureusement bâclée pour la statue de Charles le Téméraire, et la châsse de Lambert, le tout en or massif, rien que cela. Par petits groupes, comme sur l'Alpe d'Huez, on se traîne tant bien que mal en vue de la Société Littéraire où nous sommes attendus. Enfin entre nous, des fauteuils, un bar bienfaisant et M. Jean-Marie de Coune, administrateur, très affable, pour nous accueillir.
Beaucoup d'entre nous ont une large connaissance de villes européennes qui offrent ce qu'on peut voir en bord de Meuse. Elles ont leurs spécificités, mais la particularité liégeoise est réelle. L'histoire millénaire qui lui est propre a profondément imprégné le peuple de Notger. Le christianisme et la citoyenneté ont vécu côte à côte et ont façonné la ville et ses habitants.
Ainsi se termine cette visite d'une petite partie de cette ville qui n'a pas sa pareille en Belgique. Personne n'a parlé d'une ville sale. Au contraire - et notre programme s'est déroulé comme prévu - nos fatigues étaient à la hauteur de nos découvertes et plus d'un témoignera de cette superbe journée.
Georges